Selon la proximité physique qui se vivait avec la personne décédée, bien des choses quotidiennes, soudainement, disparaissent. Le vide peut être tellement intense que celui ou celle qui reste peut avoir l’impression d’entendre, de sentir ou d’imaginer l’autre dans les endroits habituels. Dans les faits, ce sont les habitudes qui sont bouleversées. Prendre son café du matin en sa compagnie, échanger sur les nouvelles du jour, faire des plans pour la journée, prévoir les repas et même les émissions que l’on a envie de regarder le soir font partie des gestes qui, sans que l’on ne s’en rende compte, façonnent la vie au jour le jour. C’est tout aussi vrai si on se préparait tous les matins pour aller visiter l’autre au CHSLD. Ou encore, si la course entre le réveil et l’arrivée au travail incluait de faire son lunch ou de rassembler ses affaires et de chercher ses clés...
Après un décès, les habitudes sont bouleversées. La routine qui, pourtant, nous pesait parfois, nous manque subitement. Normal puisque notre train-train quotidien constitue un point de repère fiable constitué d’automatismes rassurants. Si certains petits rituels personnels subsistent, tant mieux. Ces moments que nous avons toujours gardés pour soi deviennent des remparts qui nous protègent des souvenirs qui, à chaque instant, nous amènent à nous rendre compte que l’autre n’est plus là.
Même pour ceux et celles qui profitent d’une bonne situation financière et qui bénéficieront de ce que l’autre leur aura légué, les changements du rythme de vie peuvent faire partie des adaptations nécessaires. Les revenus mensuels sont divisés de moitié ou plus. L’appartement, les vacances, les petits luxes sont à revoir pour s’adapter à un seul revenu.
Ces adaptations constituent un autre aspect de la perte qu’il est primordial de compenser par des choix pratiques tout en étant aussi agréables que possible. Faire la liste de ce qui est vraiment important à nos yeux permet de percevoir que nous pouvons, en les privilégiant dans les décisions que nous prendrons, éviter de se retrouver dans des conditions qui nous déplaisent complètement. Prendre le temps d’évaluer les possibilités et se faire aider au besoin pour les explorer peut nous montrer des opportunités que nous n’osions pas envisager.
Un fils ou une fille vivant à l’étranger, un frère, une soeur ou un ami qui habite une autre ville, peuvent nous sembler aussi proches que si nous partagions le même toit. Les appels téléphoniques, les rencontres par écrans interposés, les nouvelles via les réseaux sociaux, les chansons, les séries télévisées que nous aimions partager, à moins que ce soit des réflexions, des écrits, des méditations, des apprentissages ou des passions au sujet desquelles nous échangions régulièrement, tout cela n’existera plus. Même si nous étions éloignés par des centaines ou des milliers de kilomètres, l’absence se fera cruellement sentir. Tous ces rendez-vous étaient attendus avec joie et les conversations nous apportaient toutes sortes d’informations que nous avions l’habitude de chérir.
En pareil cas, au-delà la perte de l’être cher, s’ajoute la crainte de voir les liens avec toute sa famille et ses proches se diluer et se défaire. Ce n’est pas toujours facile de maintenir le contact avec des gens que nous connaissons moins bien et qui ont leur propre environnement pour les soutenir.
Que ce soit à la suite d’un décès ou d’une rupture, les rêves et les projets que nous avions en commun se brisent trop souvent. Il est difficile d’imaginer pouvoir les réaliser sans l’autre.
Pour beaucoup de gens, il est plus difficile de perdre un objectif qui tenait à coeur que de perdre ce qui était acquis. Étrange, oui. Rare, non. Un projet ou un rêve, c’est un point d’horizon qui motive à avancer.
Peut-être qu’il faudra modifier la façon d’atteindre ce but, ou encore se demander ce qu’il représentait pour en dégager l’essentiel. Une fois que cet exercice est accompli, il est possible de redéfinir le but en fonction de ce qui compte réellement et continuer à le poursuivre. D’ailleurs, les grands rêves et les plus beaux projets prennent souvent des chemins inattendus pour se réaliser. Ce n’est que notre repli et notre propre fermeture qui empêchent les circonstances de nous amener où nous disons vouloir aller. Avoir besoin de temps pour reprendre espoir est nécessaire. Mettre partout des images ou des mots qui nous rappellent que tout est possible d’une autre façon que celle que nous avions imaginée est une bonne idée pour rester ouvert, malgré le chagrin et les moments de découragement.
Inutile de chercher à changer les habitudes d’un seul coup. De toute façon, après une perte importante, l’énergie n’est pas au rendez-vous pour se donner une nouvelle discipline de vie. Les changements peuvent être apportés graduellement en se donnant le temps de les intégrer. Bien des livres parlent de 21 jours pour prendre une nouvelle habitude. C’est malheureusement un mythe selon le détecteur de rumeurs de l’agence Science-Presse. Chaque personne a son propre rythme. L’important pour accélérer le processus est de retirer du plaisir de la nouvelle façon de faire.
Quelles habitudes génèrent du chagrin? Faire une liste de 5 d’entre elles et créer des alternatives agréables est un exercice susceptible de réduire le poids de l’absence.
Surtout, évitez d’imposer ces petits changements à une personne chère qui traverse le deuil. Laissez-la faire elle-même l’exercice. Vous pouvez l’y encourager et saluer ses initiatives. La bousculer ne fera qu’ajouter à sa peine. Après tout, il est possible qu’elle choisisse de maintenir les petits riens de tous les jours qui lui donnent l’impression que la vie continue.
Dans un cas comme celui-là, il est sage de s’entourer de photos ou d’objets qui nous rapprochent de l’être cher. S’exercer à pénétrer au fond de soi pour le trouver où il a toujours été, dans un coin de notre coeur, peut apporter une certaine sérénité. Créer ou se procurer quelque chose qui le représente est également une façon d’atténuer un peu la souffrance en donnant un point de repère où il est possible de le retrouver.
Minimiser l’impact du deuil vécu par un proche sous prétexte que la personne décédée ne faisait pas partie de la vie quotidienne est une erreur à éviter. Il n’y a aucune justification à donner à l’attachement ni à l’importance accordée aux petits ou grands signes que l’autre donnait. Le cheminement nécessaire pour surmonter la peine mérite d’être accompagné avec délicatesse et douceur, en étant vraiment à l’écoute de l’état et du besoin de la personne affectée.
Si vous vous préoccupez de quelqu’un qui fait face à toutes ces pertes, voici quelques pistes que vous pouvez suivre:
https://biblioaidants.ca/cahiers/cahier_deuil_2019.pdf
http://www.211quebecregions.ca/record/QBC0479
Nous avons en nous des forces insoupçonnées qui nous portent quand il devient trop difficile d’avancer. Le deuil est un parcours spécial qui nous apprend notre résilience et notre capacité à survivre. Lorsque c’est une personne chère qui est affectée, nous avons aussi toutes les ressources pour faire la différence à condition d’oser proposer notre appui et d’être prêt(e) à tenir parole. Il se peut que cet engagement illumine le reste de votre propre vie en vous démontrant votre valeur et votre humanité.
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